Récemment, rebondissant sur un article du Monde, qui décrivait comment Amazon pouvait, via ses filiales, promouvoir une conception consumériste et individualiste de l’accès aux soins, nous avons entamé la publication de « petites histoires pour humaniser l’accès à la santé ». Si vous aussi, vous voulez raconter une histoire sur ce thème, contactez-nous.

Aujourd’hui la parole est à notre ami Laurent Eecke.

« Retrouvons Martine, la fille de Geneviève DESTRAC que nous avons croisée dans la 1ère histoire dans son territoire en « déprise médicale » comme le dit le Conseil Régional dans sa dernière brochure.

A l’occasion d’une visite pour s’assurer que sa maman se rétablit, Martine décline un café et préfère rester debout car elle a « le dos en compote ». Aide-soignante à la maison de retraite du village d’à côté elle est exposée à un travail très physique et l’âge venant…

Elle profite de la visite périodique avec le médecin du travail qui a justement lieu dans la semaine. Elle est étonnée d’être invitée à se rendre à la Maison de Santé Pluridisciplinaire du secteur plutôt qu’au siège de la médecine du travail. « Ce sera toujours mieux que de faire 30’ sur la route ou de passer la visite dans le vieux camion inconfortable. La dernière fois, il faisait une chaleur insupportable. La Mairie a eu raison de céder son terrain pour la MSP, au moins c’est un local confortable et de proximité » se convainc-t-elle.

Arrivée à la MSP, l’assistant de santé (un nouvel emploi cofinancé et partagé dans le cadre de la CPTS) l’oriente vers le cabinet réservé au médecin du travail après avoir pris soin de vérifier via la carte Sesam Vitale que son Dossier Médical Partagé est actif. « Eh oui ! Madame DESTRAC, c’est important que votre dossier soit à jour pour les visites de prévention en santé au travail aussi. Rendez-vous compte la masse d’information qui était perdue jusque-là : impossible de faire des corrélations entre des motifs d’hospitalisation, des consommations de médicaments et des expositions professionnelles ! Un vrai gâchis pour éviter des maladies voire des morts ! Depuis que le Numéro Individuel de Santé -votre numéro de sécu Mme DESTRAC- est renseigné par tous les acteurs, on peut collecter un maximum d’informations anonymisées au bénéfice de la santé des populations ».

Ce jour-là, c’est un infirmier de santé au travail, Vincent, qui l’accueille en lui expliquant que depuis quelques temps les infirmiers, forts de leur expérience et d’une formation en santé travail, peuvent exercer sous délégation du médecin du travail. « Vous savez Mme DESTRAC, vous auriez pu demander plus tôt une visite à votre médecin du travail. Nous programmons des entretiens périodiques selon votre profil de risque, mais à tout moment, vous pouvez solliciter un rendez-vous. C’est ce que l’on appelle la visite à la demande » rappelle Vincent.

Au cours de l’entretien – qui va durer plus d’une demi-heure – Vincent, qui est bavard – ne manque jamais de rappeler qu’il fait partie des premiers IDE à suivre le diplôme de pratiques avancées en santé au travail.

L’ensemble des expositions professionnelles de Martine est balayé ainsi que son mode de vie et ses antécédents de santé. Effectivement, son mal de dos pourrait tout à fait être causé par un poste de travail à réétudier. Vincent contacte, par le système de téléconsultations (labellisé par l’ARS pour connecter les professionnels de santé de manière sécurisée) le Dr Laurence KECEE, le médecin du travail qui suit l’entreprise de Martine. Après quelques échanges, le Dr KECEE prescrit l’intervention d’un ergonome de son équipe pluridisciplinaire pour réaliser une étude de poste complète et des propositions d’aménagements techniques comme des dispositifs d’aide au soulèvement des résidents dépendants. « Oh là là ! Mais cela va coûter une fortune à l’établissement ! » rétorque Martine. « Rassurez-vous, votre employeur va être aidé financièrement par la Carsat et je crois que votre mutuelle doit pouvoir utiliser des fonds pour compléter le budget » indique le Docteur. « Vous savez comme l’action contre le tabac que nous avions menée l’hiver dernier en partenariat avec la DRH, votre mutuelle d’entreprise et ma collaboratrice spécialisée en promotion de la santé au travail : tout a été pris en charge par les fonds de solidarité de la mutuelle dégagés dans le cadre de l’accord de recommandation de votre branche professionnelle. Une belle action, efficace : 35 jours d’arrêt de travail de moins pour les bronchites chroniques l’an passé ! Cette année, justement, pour prévenir les TMS, nous envisageons de développer l’activité physique en entreprise avec la Maison Sport Santé du territoire. Mais d’abord on va former aux gestes et postures les soignants, chaque chose dans l’ordre ».

Vincent raccompagne Martine à l’accueil pour la prise de rdv avec son médecin traitant qui pourra probablement lui prescrire des séances de kiné. « L’avantage de la MSP, c’est que votre médecin du travail est en face de la porte du généraliste et le kiné est au bout du couloir : c’est un continuum local de prise en charge de la prévention au soin » !

Laurent Eecke

Histoire N°3 : Redynamisons l’action sociale

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