Sandrine Cabut – Le Monde du 08 mars 2022

C’est un pas de plus vers la reconnaissance du « sport-santé ». Après un long et chaotique parcours, la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France a été adoptée jeudi 24 février à l’Assemblée nationale, au dernier jour de la session parlementaire. Outre le volet sanitaire, le texte prévoit des dispositions concernant l’éducation, la gouvernance des organisations sportives, la prévention des violences et discriminations.

Première bonne nouvelle : la loi élargit le spectre des personnes pouvant bénéficier de prescriptions d’activité physique adaptée (APA). Jusqu’ici, le « sport sur ordonnance » (entré en vigueur le 1er mars 2017) était réservé aux affections de longue durée, soit environ 10 millions d’individus atteints de cancers, de diabète, de la maladie d’Alzheimer, de pathologies cardiaques graves, etc. Seront désormais concernés les patients atteints de maladies chroniques ou avec des facteurs de risques, tels le surpoids, l’obésité ou l’hypertension artérielle, ainsi que ceux en perte d’autonomie. Soit, potentiellement, plus de 10 millions de personnes supplémentaires. Autre avancée notable, soulignée par le député Régis Juanico (Génération. s), « l’activité physique et l’activité physique adaptée seront inscrites dans les projets des établissements et services médico-sociaux [ESMS], avec un référent dans chaque ESMS chargé de mettre en œuvre des programmes ».

Ce ne sont pas seulement les structures prenant en charge des personnes âgées ou avec un handicap, mais aussi les foyers de jeunes travailleurs, les hébergements d’urgence, se réjouit le député, très engagé dans la lutte contre la sédentarité et dans la promotion de l’activité physique, et coauteur d’un récent rapport d’information sur le sujet. « Quand on sait les bénéfices du sport en termes de bien-être et d’inclusion, c’est un vrai progrès, même s’il faudra voir l’effectivité sur le terrain », dit-il encore. Le député s’est toutefois abstenu lors du vote de la loi, qu’il juge bancale et insuffisante pour ce qui concerne les dispositions favorisant l’activité physique en milieu professionnel.

Parallèlement, les prescriptions d’APA, jusqu’ici réservées aux médecins traitants, sont élargies aux spécialistes. Et leur renouvellement pourra être effectué par des kinésithérapeutes, une des professions impliquées dans ces prises en charge. Cette dernière disposition, introduite par les sénateurs, fait cependant grincer des dents d’autres professionnels du secteur : les enseignants en APA, soit environ 50 000 personnes titulaires d’un diplôme universitaire de la filière Staps APA-Santé. « Nous regrettons que les rapporteurs et la ministre des sports nous aient une nouvelle fois écartés du texte de loi et omettent constamment de nous citer explicitement dans les rapports et annonces », s’agace Stéphane Dijoux. Pourtant, poursuit cet enseignant en APA à l’origine d’une pétition pour une meilleure reconnaissance de sa profession, « sur le terrain, ça fonctionne, et chaque corps de métier intervient dans son domaine de compétence spécifique en respectant le travail et la formation initiale de chacun ».

« C’est une occasion ratée de reconnaissance de ces professionnels qui existent depuis quarante ans et mènent un travail fondamental sur le terrain », déplore aussi le député Juanico, qui avait déposé un amendement à ce propos, jugé irrecevable. Son souhait : que les décrets d’application de la loi soient adoptés rapidement, pour une mise en œuvre avant les JO de Paris, en 2024. Reste aussi la délicate question de la prise en charge financière de l’APA, un frein persistant au développement de cette thérapeutique qui a pourtant fait la preuve de son efficacité.

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