INTERVIEW News Assurances Pro– Roland Berthilier, président du groupe MGEN, considère, à rebours de la position de la FNMF, que les mutuelles doivent participer financièrement à l’effort national pour faire face aux dépenses liées à la crise sanitaire. Dans cette entrevue, Roland Berthilier désavoue publiquement l’action de la FNMF et celle de son Président (qui est aussi le Président du groupe Vyv à laquelle la Mgen appartient).

Comment en est-on arrivé là ? En réalité, le phénomène n’est pas nouveau et pour le comprendre, il faut faire un peu d’histoire de la mutualité. Avec cette prise de position, resurgit un des clivages historiques entre mutuelles de fonctionnaires et mutuelles interprofessionnelles. Ce clivage s’est estompé avec le temps et les réformes successives subies collectivement par toutes les mutuelles quelles que soient leurs origines. La MGEN se pense comme un organisme de sécurité sociale dédié aux enseignants, notamment parce qu’elle gère à la fois le régime de base (le RO) et complémentaire. Elle organise ainsi sa « vie » de manière « corporatiste » et « confine » la solidarité aux membres de son univers ; une solidarité entre solvables, protégés de certains aléas de la vie, mais exposés à des difficultés grandissantes (déclassement …). Sa gestion est donc strictement tournée vers les siens. Ceci ne serait pas, en soi, un problème (quoique) si elle ne donnait pas de leçons de morale sociale et « républicaine » à tout le monde. Pourquoi fait-elle cela ? Pourquoi prend-elle, à ce moment précis, le risque de mettre en difficultés l’ensemble des mutuelles ? Parce que cette leçon de solidarité, dans la roue des injonctions gouvernementales, lui permettra – espère-t-elle – de renouer un dialogue direct avec l’Etat (son donneur d’ordre dans la gestion du régime obligatoire). La Mgen est « attaquée » de toutes parts ; son quasi monopole historique est grignoté bout par bout depuis des années par ce même Etat. Si elle perd la gestion du RO, son modèle économique explose. Alors elle donne des gages, comme elle l’a toujours fait, quel que soit le pouvoir en place. Elle joue la carte d’une solidarité organisée par l’Etat (qui, au passage, légitime les critiques de tous bords sur l’utilité des mutuelles) qui pèsera sur son seul résultat financier (et au passage sur celui de ses concurrents moins dotés qu’elle en fonds propres) au profit de la préservation de son modèle historique. Un grand classique de la mutualité et une énième occasion perdue de sortir de nos vieilles batailles.

Jean Sammut

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