La Convention Citoyenne sur le climat a rendu ses propositions. Depuis, les opposants de tous poils se déchaînent : mais qui sont ces gens qui se permettent de proposer ? Qui représentent-ils ? Qui ont-ils auditionné ? De quoi sont-ils experts ?

Tous ces opposants ont en commun de n’avoir rien compris à cette innovation démocratique.

Car il s’agit bien d’« une innovation » qui n’épuise évidemment pas – les concepteurs n’ont jamais prétendu le contraire – la question « la démocratie ».

Ce type de démarche n’a de sens qu’insérée dans un « ensemble » de processus démocratiques, qu’en dialogue avec les autres formes d’exercice de cette démocratie. Ce sont les cohérences, mais aussi les tensions, qui souderont les éléments de cet ensemble et constitueront une avancée. Pas le processus à lui seul.

De ce point de vue, la convention citoyenne pour le climat souffre de trois handicaps originels :

– Le sujet était très (trop) vaste : il n’a pas permis d’approfondir, autant que de besoin, certaines propositions qui auraient, à elles seules, mérité une convention dédiée ; c’est notamment le cas de la proposition de modification de la constitution, mais j’y reviendrai par la suite.

– La remise des propositions au seul Président de la République qui décidera seul – sans que les conventionnels sachent vraiment comment – de leur avenir est contradictoire avec l’idée d’une revitalisation globale de la démocratie. Ce péché originel ne condamne pas les Conventions Citoyennes à venir à l’enfer.

Ces deux premiers handicaps sont assez simples à éviter dans l’avenir. D’autres pays l’ont fait (Irlande) avec succès.

Le troisième handicap, en revanche, appelle des réponses qui échappent au processus lui-même.

– La communication centrée sur les propositions a conduit les médias, les opposants, les partisans, a des simplifications qui ont évacué :

La vertu du processus lui-même : cette forme de délibération est en effet performative, comme on dit souvent aujourd’hui. Elle est un instrument de la démocratie, mais sa seule existence fait démocratie. Ce point a été totalement occulté. Il aurait pu et dû être documenté par des observateurs et relayé en direction des autres citoyens.

La complexité et les enjeux des propositions. Là encore, il aurait été nécessaire de documenter les arguments de consensus, mais aussi de dissensus, qui auraient permis d’éclairer enjeux et complexités.

Cela aurait-il suffit à éviter les simplifications ?

Une communication « audible » autour de sujets complexes semble inconcevable aujourd’hui. Mais, précisément, l’un des enseignements de la Convention est que nous devons impérativement inventer de nouvelles arènes, de nouveaux supports de communication politique qui seront les instruments de revitalisation de la démocratie que j’évoquais au début. Cet effort servira, non seulement pour les futures conventions citoyennes, mais pour tous les espaces actuels et à venir d’expression de notre démocratie (parlementaires, juridictionnels, sociaux … ).

Y compris d’ailleurs les espaces mutualistes. En ce sens, nous avons le devoir de participer à cet effort en expérimentant nous-mêmes de nouvelles formes de communication. A cet égard, la préparation du Congrès 2021 de la FNMF ne nous semble pas exemplaire. Elle s’empare du label Convention Citoyenne pour qualifier de « Conférence citoyenne » ce qui n’est qu’un pâle ersatz de la première.

Pour revenir à la modification de la constitution, ma réserve tient au fait que tout élargissement du champ de celle-ci ouvre, mécaniquement, la voie à un élargissement du champ de compétence du Conseil Constitutionnel conduisant, mécaniquement également, à limiter les prérogatives des autres espaces où se forme le droit, notamment les espaces de débats : parlementaires, citoyens …

La fiction d’un Conseil Constitutionnel, « garant neutre » du fonctionnement de nos institutions, « rempart objectif » contre la tentation totalitaire de l’Etat léviathan, a vécu. Je ne prétends pas ici que le Conseil Constitutionnel doit être supprimé : il est une des clés de voute de notre système démocratique dans sa forme actuelle. Il en partage les vertus, mais aussi les limites.

Les « sages » sont façonnés, comme nous tous, par leur histoire, leur période, leur culture et une certaine conception de nos institutions. L’apparence de neutralité ne tient que dès lors que la forme démocratique qui a institué le Conseil n’est pas mise en cause, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

L’étendue et les modalités d’exercice des prérogatives du Conseil Constitutionnel devront, dans la perspective d’une revitalisation de la démocratie, être questionnées, en cohérence avec tous les autres questionnements.

Proposer de modifier en profondeur nos fondements constitutionnels, en bouleversant la hiérarchie des valeurs qui les sous-tendent, sans revoir l’emboîtement des organes qui les incarnent, c’est en quelque sorte « mettre la charrue avant les bœufs ». C’est prendre le risque de confisquer aux citoyens – pour les confier aux juges constitutionnels – les nécessaires débats autour de la hiérarchie des normes héritées de notre histoire, de leurs interprétations et de leurs applications.

Par Christian Oyarbide.

Share This