Temps 1 : Le mutualisme est-il encore nécessaire ?

Dans nos démocraties représentatives en crise, l’Etat centralisé n’est pas en situation d’anticiper ni même d’aller au-devant des difficultés individuelles, et dans bien des cas collectives, que connaissent les citoyens. Face à des demandes qui ont du mal à s’exprimer ou non solvables, il est inconcevable de laisser cette mission au marché, mission que d’ailleurs les acteurs « marchands » ne revendiquent pas.

Nous partons donc de la conviction que face à des besoins que ni le marché ni l’Etat sont à même de résoudre, seuls des acteurs de proximité, solidaires, démocratiques (pour certains dénommés « corps intermédiaires ») sont en situation d’agir utilement.

Pourtant, accaparées par la pression des contraintes prudentielles, du marché et de l’Etat, les mutuelles se sont trouvées dans l’incapacité de repenser leurs modèles face aux profondes évolutions des sociétés occidentales (mobilités de tous ordres distendant les liens de solidarité anciens, apparition de nouveaux besoins – pertes d’autonomie, pathologie chroniques, exclusions … , dislocation du mythe du salariat généralisé et chômage structurel, crise climatique et environnementale, épuisement des formes de démocratie représentative …).

Sous cette pression, les mutuelles ont fait éclore des générations de dirigeants dont la priorité est la survie de l’organisation. Les valeurs et enjeux spécifiques au mutualisme sont passés au second plan et, évidemment, n’ont pas été reformulés pour « coller » aux réalités sociétales du moment.

Mais, dans la longue histoire du mutualisme, ce n’est pas la première fois que cela se produit.

Il est possible d’espérer que de nouvelles générations s’emparent des exigences posées par les valeurs mutualistes pour les repenser.
Les dirigeants mutualistes d’aujourd’hui ont, à cet égard, le devoir de mettre en lumière leurs propres échecs, limites et succès pour, autant que faire se peut, livrer quelques clés à leurs successeurs.
Mais ce travail d’élucidation impose de repartir de questions de fonds.

1) En quoi le mutualisme est-il nécessaire ?
Le mutualisme n’a de sens que s’il propose des réponses différentes de celles proposées par le marché et/ou l’Etat aux besoins des gens et des modes de mise en œuvre de ces réponses « transformatrices » des difficultés générant ces besoins.

Dans le cas contraire, faire perdurer une forme d’organisation qui agit, au bout du compte, comme n’importe quelle autre forme (capitaliste, paritaire, coopérative, associative …) n’a pas de justification en soi.
Pourtant deux motivations « utilitaristes » peuvent conduire une mutuelle à agir pour durer :

  • La survie pour la survie ou, de manière plus ambitieuse, le développement pour la taille : l’organisation agit pour elle-même, pour maintenir l’emploi, le statut de ses dirigeants, pour être plus grosse que ses compétitrices …
  • La démonstration d’une plus grande efficacité de la gouvernance mutualiste comparée à d’autres formes. Cette dimension est plus exigeante à activer que la première car elle suppose de mettre à jour les critères « de cette efficacité ». Sont-ils identiques à celles des sociétés de capitaux ou des groupes paritaires ? Là est la question. Si la réponses est « non », comment la forme mutualiste pourrait-elle prétendre à être nécessaire ?

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