A la faveur de l’extension des réglementations « vertes », une question agite beaucoup les cercles de réflexions de notre secteur : les entreprises de l’ESS sont-elles mieux armées que les sociétés de capitaux pour développer des politiques de RSE ?
La réponse semble unanimement : oui.
Et bien, pour ce qui est des mutualistes, je pense que : non !
J’affirme même que la RSE signera la fin d’un mutualisme qui ne cherche pas à « imiter » le pilotage des sociétés de capitaux.
Elle signera la fin d’un mutualisme qui place la solidarité au-dessus de tout autre critère de justification de son existence.
Pour quelle raison ?
La RSE, dans ses fondements, a pour objet d’assigner aux entreprises des responsabilités « en plus » de celles qui constituent leur raison d’être.
Mais comme la raison d’être spécifiquement mutualiste n’a pas été retravaillée, alors la RSE embarque une conception des entreprises et de leurs utilités prétendument commune à toutes les formes mais en qui, en réalité, est taillée « sur mesure » pour les sociétés de capitaux. Les référentiels RSE se gardent bien de formuler des exigences spécifiques aux formes de l’ESS qui dépasseraient celles que l’on peut attendre de la « compréhension » des actionnaires.
Plus grave, la RSE, dans son application, dès lors qu’elle va devenir une exigence règlementaire, va autoriser, contraindre, les contrôleurs de conformité et risques de toute nature qui nous ont été imposés par Solva 2, la RGPD … à investir de nouveaux champs avec des méthodes qui sont – et nous le vivons tous les jours – totalement étrangères à «l’esprit mutualiste » quand elles ne sont pas mortifères pour celui-ci.
Une fois de plus donc, les mutualistes vont jouer sur le terrain de leurs prétendus adversaires, les sociétés de capitaux. Ils ne joueront pas à domicile et partent donc avec un désavantage concurrentiel majeur.
A qui la faute ?
A nous, mutualistes, qui n’avons pas su imposer nos terrains de jeu.
A ce propos, même si je critique leur prosélytisme du point de vue de la logique mutualiste, l’initiative de Maif et du Crédit Mutuel qui « pompent » sur leurs résultats pour financer des « projets à impact verts » est une initiative intéressante dans ce combat pour imposer un autre terrain de jeu. En effet, elle frappe où cela fait mal aux sociétés de capitaux : la capacité à distribuer du résultat à des actionnaires ! Simplement, au passage, ce prosélytisme fait des dégâts chez les autres mutualistes qui ne souhaitent pas prendre, sans autre forme de débat démocratique interne, l’argent de leurs adhérents pour financer des projets qui ne leur sont pas directement utiles. Ce prosélytisme ignore également des engagements moins abruptement orthogonaux vis-à-vis des KPI des sociétés de capitaux. Et surtout, il joue facile en esquivant les questions spécifiques du pilotage, par les mutualistes, de leur « core business » par les valeurs dont ils se réclament.
Mais, au fond, c’est de bonne guerre de communication.
Par Christian Oyarbide, Vice-Président de MLS, Président de MUTLOG