Cela n’a pas raté : suite au rapport sur la dramatique diminution des êtres vivants, les bonnes âmes de toutes origines y vont de leurs recettes pour protéger la bio diversité. Nous avons choisi celles de Novethic (grand spécialiste du business de la mauvaise conscience).

Voilà leurs recommandations (trouvées sur leur site) : c’est beau comme un rapport de consultant en stratégie.

« SIX INITIATIVES POUR ENGAGER LES ENTREPRISES DANS LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

2020 devait être l’année de la biodiversité, mais l’épidémie de Covid-19 a repoussé l’agenda international à 2021. Comme pour le climat, les entreprises sont appelées à contribuer activement à protéger la nature. La complexité du sujet et l’urgence de la situation demandent de s’y préparer dès maintenant. Tour d’horizon des initiatives qui visent à les mettre en action !

Ensemble d’icônes de couleur en faveur de l’écologie

1. ÉVALUER SON EMPREINTE AVEC LE GLOBAL BIODIVERSITY SCORE

Mesurer l’empreinte biodiversité des entreprises est une gageure. Plusieurs initiatives ont vu le jour pour tenter de quantifier l’ensemble des impacts d’une entreprise ou d’un portefeuille d’investissement sur la biodiversité à travers l’ensemble de la chaîne de valeur. Le Global Biodiversity Score (GBS) de CDC Biodiversité fait office de pionnier. Une première version a été lancée en mai. Elle s’adresse pour le moment aux grandes entreprises (L’Oréal, LVMH, Suez, Total..) ou investisseurs qui vont ainsi  pouvoir « mettre en évidence des actions visant à réduire efficacement les pressions sur la biodiversité ».

2. COMPRENDRE LES INTERACTIONS ENTRE LA NATURE ET L’ÉCONOMIE AVEC LA FRESQUE DE LA BIODIVERSITÉ

Pour mieux appréhender la complexité de la biodiversité dans le contexte de l’entreprise, un collectif d’indépendants, de la Fresque du climat et Deloitte Développement durable* ont créé un atelier participatif et pédagogique, décliné en version digitale depuis la crise du Covid-19. Il est conçu sur la base des conclusions du rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité), la référence en la matière et permet en deux heures de comprendre ce que recouvre la biodiversité, les causes de son érosion et leurs conséquences. Il dessine aussi des solutions économiques concrètes et pragmatiques.

3. SE TRANSFORMER AVEC LE DÉFI BIODIVERSITÉ D’ENGAGE

Dix mois pour mieux intégrer la biodiversité à sa stratégie d’entreprise. C’est le défi que lance la plateforme Engage à dix PME. Les entreprises, sélectionnées par un jury sur dossier et motivation, bénéficieront d’un accompagnement de l’association mais aussi d’experts (biologistes, économistes, dirigeants d’ONG…). L’objectif est d’engager l’entreprise dans un projet transformateur, souligne Jérôme Cohen, le président d’Engage. Le défi donnera lieu à une campagne de sensibilisation plus large envers les entreprises lors des grands événements de la biodiversité de 2021. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 14 septembre.

4. INTÉGRER LA BIODIVERSITÉ DANS SON MODÈLE COMPTABLE AVEC LA MÉTHODE CARE

Juger la soutenabilité de l’entreprise grâce à la comptabilité, c’est l’objectif de la méthode Care. Elle est expérimentée par plusieurs entreprises en région PACA et fait l’objet de recherches dans le cadre de la chaire « Comptabilité écologique », portée par la Fondation AgroParisTech. Elle est soutenue par des entreprises comme LVMH qui va tester la méthode sur sa maison Moët Hennessy. Le principe : intégrer aux normes comptables classiques les défis environnementaux et sociaux auxquels l’entreprise est confrontée mais aussi les actions qu’elle doit mener pour y répondre.

5. FINANCER SA DÉMARCHE AVEC DES FONDS DÉDIÉS

À la fin des années 2000, Danone innovait en lançant son fonds Livelihoods pour restaurer les écosystèmes dégradés, combattre le changement climatique, et développer les économies locales. Ajourd’hui, ce fonds s’est transformé et a accueilli de nouvelles entreprises qui investissent dans des projets de régénération. L’Oréal, Kering ou Unilever viennent de créer fonds pour permettre à leurs chaînes d’approvisionnement de se transformer et protéger des écosystèmes sensibles et menacés. Les sommes sont conséquentes : celui d’Unilever est doté d’un milliard d’euros.

6. REJOINDRE ACT4NATURE-ENTREPRISES ENGAGÉES POUR LA NATURE

Rien de tel que de faire partie d’une coalition pour se motiver. C’est pour cela qu’Entreprise pour l’environnement (EPE) et les fédérations patronales ont créé Act4Nature. Il a fusionné en janvier avec l’initiative de L’office français de la biodiversité (OFB). Les entreprises de toute taille sont invitées à se joindre à l’initiative Entreprises engagées pour la Nature. Pour les plus grandes entreprises, c’est la coalition One planet Business for Biodiversity emmenée par Danone qui ambitionne de faire évoluer les chaines d’approvisionnement ».

Béatrice Héraud, @beatriceheraud »

Que nous disent ces recommandations ?

Que d’abord elles s’adressent aux grandes entreprises, notamment parce que la méthode suppose des appels à des sachants extérieurs (ça coûte) et à des gens qui, en interne, seront les interlocuteurs relais et experts (ça coûte aussi).

L’avantage de la démarche est qu’elle reste entre sachants motivés mandatés par les dirigeants, donc peu suspects de tentation révolutionnaires.

En effet : que disent ces recommandations ?

On mesure avec des règles sophistiquées élaborées par des experts (donc indiscutables) : recommandation 1 et 4.

On descend de l’information prédigérée par des sachants (donc indiscutable et surtout assez loin des préoccupations quotidiennes des salariés) vers les ignorants : recommandation 2

On crée une émulation avec un jury (là encore extérieur) qui se chargera de mesurer la sincérité de l’engagement stratégique : recommandation 3

On isole les budgets des actions dans des fonds loin des activités opérationnelles (et dont les décisions seront-elles aussi lointaines) ; à la fin, la sincérité de l’engagement sera mesuré à l’aune de l’argent mis dans le fond : recommandation 5

On se tient chaud entre entreprises engagées (et un brin lobbyistes) au sein d’un collectif vertueux : recommandation 6

Je suis critique mais on nous a déjà fait le coup, avec la RSE, la loi de transition énergétique et, à la fin du fin, rien n’a vraiment changé dans le fonctionnement des boîtes que j’ai connues : la vertu a été déléguée des spécialistes internes ou externes.

Or, la vertu ne se délègue pas et elle se mesure dans le regard dans des autres et pas à l’épaisseur de mon porte-monnaie.

Voilà six recommandations alternatives :

1° Je reconnais, moi dirigeant, que je découvre le sujet, que celui-ci concerne tous mes salariés et que je ne suis pas plus sachant ou légitime qu’eux en la matière.

2° J’engage un processus de discussions collectives, alimentées par des paroles d’experts, dans lesquelles chaque voix compte à parts égales (y compris, la mienne celles des partenaires sociaux élus, des directeurs, des cadres …) et je m’implique au même titre que n’importe quel salarié dans cette « convention d’entreprise pour la bio diversité».

3° J’associe aux travaux de cette convention les parties prenantes externes (collectivités, fournisseurs …) : je les fais témoigner et je recueille leurs desiderata.

4° A l’issue de cette convention, je m’engage à présenter les propositions aux instances internes en commençant par le CA et le CSE.

5° Je m’engage à revenir devant les salariés, toujours réunis en convention, pour expliquer la suite donnée, ou non, aux propositions faites et je crée un comité de suivi élu par les participants.

6° Je partage avec les autres entreprises de mon secteur les enseignements de ces travaux en faisant témoigner les participants.

Est-il nécessaire de documenter les différences entre ces 6 recommandations et les précédentes ?

Notons, cependant, deux effets qui dépassent le strict cadre de l’entreprise concernée et vaudront pour toute la société :

  • Le (ré)apprentissage d’une forme de démocratie directe et de formes de légitimation des décisions qui pourraient être une réponse à la disqualification de la démocratie représentative.
  • L’engagement direct des salariés pourrait en faire des prosélytes utiles au-delà des murs de l’atelier ou du bureau.

L’entreprise deviendrait alors – de ce point de vue – un laboratoire d’engagement citoyen.

Bien entendu, cela suppose que les dirigeants prennent le risque rendre compte devant leurs salariés et pas devant les experts, les comptables, les jury externes … Et ceci est bien plus engageant.

Pour nous, mutualistes, nous devrions en plus – ou peut-être prioritairement – déployer un processus de même nature devant nos adhérents.

Par Christian Oyarbide.

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