Olivier Pastré – les Echos – 27/09/2023
A l’heure où notre pays consacre des centaines de pages et des milliers d’heures d’antenne à l’abaya, rien ou presque sur un sujet d’une importance infiniment plus grande : l’avenir de l’Afrique.
Même l’actualité, brûlante, du Niger et du Gabon, passe, pour de nombreux médias, sous l’œil de leurs radars. Et pourtant, au-delà des intérêts africains eux-mêmes, l’avenir de notre pays dépend aujourd’hui, plus encore qu’hier, du devenir de nos relations avec ce continent.
Le retrait des banques françaises
L’Afrique constitue, à mes yeux, la zone géographique dont va le plus dépendre la croissance mondiale dans les décennies à venir. La logique démographique est implacable : de 1,2 milliard d’habitants à 2,5 milliards en 2050 ; le poids économique du continent va s’imposer dans les années à venir et, accessoirement, écarte pour longtemps pour ces pays tout problème de financement des retraites…
Les problèmes de l’Afrique n’en restent pas moins immenses. Ils tiennent pour une large partie à la déliquescence dans de nombreux pays des structures étatiques dont la manifestation la plus visible est la corruption, mais aussi et surtout à la faiblesse de la création de valeur ajoutée locale qui s’explique pour partie par la faiblesse des investissements directs étrangers (IDE). Le retrait presque complet des banques françaises du continent est une illustration affligeante de cette situation.
Résoudre ces problèmes n’est pas tâche impossible. Cela passe par un immense effort en matière d’éducation et simultanément par une meilleure régulation du « brain drain », par un renforcement de l’intégration régionale et par un véritable « plan Marshall » en matière d’irrigation des terres. Faute de changement de logiciel dans ces domaines, le risque pour l’Europe, et pour la France en particulier, est celui d’une vague sans précédent d’émigration que l’Europe serait bien incapable de gérer.
Renforcer le codéveloppement
Il émerge un début de prise de conscience de ce problème. La France se doit dans ce domaine de servir de moteur pour l’Europe (dont le tropisme oriental n’a fait que s’accentuer depuis le mois de février 2022). Cela passe par un effort renforcé en matière de codéveloppement, quelles que soient les difficultés qu’il y a à moderniser celui-ci. Il n’y a pas d’autre choix. Le codéveloppement actuel a montré ses limites. Le codéveloppement ne peut pas se décider à Paris. S’il est un domaine dans lequel l’approche « bottom-up » s’impose, c’est bien celui-ci. Cette approche qui vise à traiter les sujets de la base vers le sommet. C’est le contraire de l’approche « top-down » qui a prévalu tout au long des Trente Glorieuses et qui reste encore aujourd’hui si chère à nos élites.
Cette nouvelle démarche implique deux choses. D’abord de renforcer les bases. Les microprojets et les start-up dont l’Afrique a tant besoin nécessitent des forces d’accompagnement d’immédiate proximité. Il faut donc, dans le cas de la France, renforcer considérablement les antennes locales de l’AFD sans rien sacrifier sur les compétences (condition difficile à remplir). Deuxième priorité : l’écoute des corps intermédiaires locaux. Qu’il s’agisse des syndicats, des associations ou des structures mutualistes, ceux-ci constituent les maillons faibles de la coopération aujourd’hui. Ces structures doivent être pleinement associées au plan opérationnel, car ce sont elles qui connaissent intimement les problèmes posés.
L’Afrique est une immense chance pour la France. Faute de saisir très vite celle-ci, cette issue « win-win » risque de se transformer en drame économique et politique qu’il sera bien difficile de dénouer. Rien de moins. Il est grand temps d’agir.
Je partage en tous points ce que dit Olivier Pastré (le Cercle des Economistes) dans son article paru dans les Echos du 27/09/2023. Quand, je vois ce qui se passe au Burkina Faso, où, en tant que dirigeant mutualiste, je me suis rendu à plusieurs reprises pour soutenir, alimenter, par nos conseils, nos formations, mais aussi par l’apport de matériels, les dirigeants locaux de la sécurité sociale, des mutuelles, du gouvernement, et que nous constatons le désastre de la situation actuelle, je mesure combien l’absence de continuité dans nos engagements, l’absence de volonté collective portent une part de responsabilité dans les situations actuelles. La protection sociale est au cœur du développement économique. Et, proportionnellement aux moyens existants, beaucoup d’argent est dépensé par les populations locales pour la santé. Mais, l’absence de réponses collectives, de mutualisation des moyens, obère l’efficacité de ces dépenses, empêche de se projeter dans l’avenir. La réponse étatique ne suffit pas, imposée par le haut, concentrée dans les agglomérations, souvent déviées de leurs objectifs. Il n’y a pas d’autre issue que de participer un co-développement fondé sur la demande, l’implication des structures de l’économie sociale locales auxquelles nous pouvons apporter expérience, moyens, et avec elles, construire des réponses et des économies, car si l’on veut que cela soit durable, il faut une économie. Et, ce faisant, donner une « raison d’être « aux professionnels, aux militants mutualistes, surtout aux jeunes qui trouveraient dans ces missions une réalité à leur engagement.