Par Guy Vallancien – Les Échos 10/02/2022

Le secteur de la santé est à l’aube d’une profonde mutation. C’est en effet une transformation radicale des lieux et des modes de prise en charge des patients qu’il nous faut impulser. Elle doit se faire en utilisant les bâtiments hospitaliers existants, les savoir-faire professionnels et les technologies émergentes, dans une dispensation à la fois collaborative et compassionnelle des soins. Deux grands chantiers sont à lancer sans attendre.

Tout d’abord, repenser le rôle des établissements hospitaliers publics et privés, trop nombreux à assurer les mêmes prestations dans les mêmes villes (on en compte 3.000 en France contre 2.000 en Allemagne pour une population 20 % plus nombreuse). Créons un service national de santé embarquant par contrat, dans une même dynamique d’accès à la prévention et aux soins, les établissements publics et privés dont les signataires respecteront une charte commune, sans discrimination d’accès, de personnes ni de moyens.

Au moins un tiers des établissements de soins actuels seront à transformer en pôles sanitaires de premier recours, de véritables « cités santé » intégrant une maison de santé avec ses médecins et ses professionnels paramédicaux à responsabilité accrue par leur formation complémentaire en pratique avancée. Des sages-femmes, des pharmaciens, des kinésithérapeutes, orthoptistes et tous les autres personnels de soins de suite et médico-sociaux y exerceront aussi. S’y adosseront un Ehpad, un petit service de soins palliatifs et un espace pour les associations de patients. Les petits hôpitaux et cliniques retenus pour être transformés seront reconvertis à cette permanence sanitaire de proximité, avec accès aux soins non programmés. Des sites de consultations hebdomadaires secondaires ouvriront dans les mairies des communes alentour. Les médicaments et les dispositifs médicaux et autres matériels sanitaires seront délivrés à domicile par des chaînes de distribution en contact avec les pharmacies.

Ces cités santé couvriront la totalité du territoire national prenant en charge les hommes, femmes et enfants malades ou blessés, ainsi que les animaux de compagnie suivis par des vétérinaires. Un service d’évaluation de la protection de l’environnement et une unité écoresponsable de traitement des déchets sanitaires y seront rattachés. Ces structures de proximité reliées par télétransmission aux experts des hôpitaux et cliniques spécialisés s’intégreront dans les communautés professionnelles de territoires de santé, dont deux cent existent déjà. Les établissements hospitaliers publics et privés spécialisés de second recours concentreront la production des soins plus complexes. Enfin, les centres hospitaliers universitaires développeront en troisième recours la recherche tout en assurant les soins ultra-complexes et en partageant l’enseignement avec les cités santé. On ne peut soigner correctement qu’à la condition d’assurer un volume suffisant d’actes par an. Or, aujourd’hui en cancérologie, des hôpitaux et des cliniques prennent en charge un nombre de patients inférieur au seuil minimal exigé par l’Institut national du cancer au prétexte fallacieux du maintien à un accès de proximité.

La deuxième mutation concerne l’évaluation de la prise en charge des patients grâce aux données informatisées transmises ; elle permettra d’analyser la qualité de la production des établissements et des professionnels, reposant sur des critères objectifs de bonne pratique ajoutés aux critères subjectifs renseignés par les patients.

Objectif : Eviter le gâchis des prescriptions inutiles et la malfaçon. Nous savons qu’au minimum 20 % des actes de soins y compris les transports en ambulance et les arrêts de travail sont non pertinents (OCDE). Soit 40 milliards d’euros à redistribuer : de quoi transformer les petits établissements hospitaliers publics et privés en cités santé, tout en payant mieux les professionnels sans augmenter la dépense globale. Mais pour ouvrir 1.500 cités santé, il faut une véritable volonté politique qui fasse fi des corporatismes.

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