Article de Nicolas GOMART (Vice-président et Directeur général du Groupe Matmut) paru dans Les Echos, le 8 novembre 2023

Il s’agit d’un vœu désormais ancien de la part des mutuelles complémentaires santé en France : pouvoir bénéficier d’un accès plus élargi aux données de santé gérées par l’Assurance Maladie, qui jouissent d’un encadrement juridique et réglementaire spécifique. Entre défiance sur l’utilisation réelle des données, démarches administratives lourdes, obligation de recourir à un organisme tiers, impasse sur le sujet de l’appariement des données entre l’assurance-maladie obligatoire et l’assurance complémentaire ou encore refus d’accéder aux données du Programme de médicalisation des systèmes d’information, les difficultés rencontrées sont nombreuses.

Il est bien question de données sensibles, car elles concernent le bien le plus précieux pour chaque être humain, sa santé. Alors convoquer comme préalable au sujet le nécessaire usage éthique et responsable qui serait fait des données, par les mutuelles santé, relève de l’évidence. Mais trop souvent, nous constatons qu’avant même d’entamer le débat sur le sujet, le poser en ces termes a pour conséquence, d’une certaine façon, de le verrouiller, confortant la protection excessive des données de santé.

Et pourtant cette protection excessive ne serait-elle pas, de façon peut-être contre-intuitive, porteuse d’un risque éthique : celui pour les acteurs mutualistes santé, et avec eux les pouvoirs publics, de priver nos concitoyens des très nombreux bénéfices induits par l’usage qui pourrait être fait de ces données ? Et si, pour faire sauter le verrou tout n’était qu’une question de confiance ?

D’abord, la confiance dans l’usage qui serait fait par les mutuelles des données numériques en question. On parle ici de mieux comprendre et mieux analyser les parcours de soins afin de les optimiser, de limiter les soins redondants ou inutiles, d’analyser les restes à charge suivant différents critères, de mener des actions de prévention santé à la fois plus efficaces et équitables au profit de nos concitoyens, de lutter contre la fraude, un fléau qui mine gravement aujourd’hui les équilibres financiers de notre système d’assurance-maladie. Pour, au final, optimiser les garanties des contrats des mutuelles afin de limiter le reste à charge pour leurs adhérents, lutter contre le renoncement aux soins et l’apparition des maladies. En un mot, améliorer la santé des Français.

Confiance, encore, la base de la relation entre une mutuelle santé et ses adhérents, s’appuyant sur le principe de non-discrimination dans la souscription du contrat d’assurance. En aucun cas les complémentaires santé ne prendraient le risque de dégrader cette relation de confiance. C’est en ce sens, et intrinsèquement, le meilleur garde-fou possible. L’action du régulateur en est un autre. L’assurance est un des secteurs d’activité les plus surveillés et réglementés et il ne s’agit pas de s’affranchir de ce contrôle.

Confiance, toujours, en la capacité des acteurs mutualistes à se mobiliser pour mener des actions de pédagogie auprès de leurs adhérents sur le traitement de leurs données de santé et promouvoir l’usage du numérique en santé. Le but est de rendre les Français plus autonomes dans leurs parcours de soins, de faciliter leur accès aux soins. Œuvrer concrètement à l’inclusion numérique, un défi actuel et futur, nécessite le concours de tous.

Confiance, enfin, en la volonté des acteurs publics et privés à proposer des pistes de rénovation du contrat social, grâce à de nouvelles formes de collaboration public-privé, au bénéfice de nos concitoyens et en faveur du bien commun. Les mutuelles santé proposent de travailler avec la CNIL, avec le Système national des données de santé, le Health Data Hub, afin de proposer une méthodologie commune d’accès aux données de santé pour les mutuelles, et plus généralement envisager des outils de droit souple, pour encadrer leur usage. N’attendons pas d’hypothétiques évolutions réglementaires, travaillons ensemble, en confiance au bénéfice de nos concitoyens, à commencer par les populations les plus fragiles.

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