Article paru dans le Monde, le 8 mars 2022.

Un collectif d’associations et de personnalités, du réalisateur Cyril Dion à la sociologue Dominique Méda, de Pierrick De Ronne, le président de Biocoop, à l’humoriste Guillaume Meurice, appelle les candidats à la présidentielle à signer un nouveau pacte démocratique

La démocratie est attaquée en Ukraine. Nos démocraties, française comme européennes, sont soumises à rude épreuve et jugées défaillantes. La perte de confiance des citoyennes et citoyens envers leurs représentants est colossale. Notre système politique apparaît déconnecté du réel et impuissant à relever des défis aussi majeurs que la prévention des guerres, l’explosion des inégalités, le cataclysme écologique ou l’avenir de notre modèle social. Pourtant, comment imaginer répondre à ces enjeux sans les citoyennes et les citoyens ?

Révolte des « gilets jaunes », chiffres record d’abstention, multiplication des violences contre les élus, terrible défiance contre les institutions, les partis politiques et les médias… tous les signaux sont au rouge. Le populisme autoritaire gagne de nombreuses batailles à l’étranger comme en France. Nos institutions s’affaiblissent au point de ne plus pouvoir produire la légitimité dont nos gouvernements ont besoin pour être efficaces. Notre maison démocratique brûle et les candidats à l’élection présidentielle regardent ailleurs.

Faut-il y voir le signe d’un effondrement du principe même de démocratie ou plutôt l’exigence d’un retour à ses fondements ? Les Français demandent « plus et mieux » de démocratie. Quatre-vingt-trois pour cent se déclarent attachés au régime démocratique (selon une enquête Harris interactive menée du 21 au 29 octobre 2021). Les formes d’engagement se renouvellent, en particulier chez les jeunes. Le « Baromètre sur la jeunesse 2021 » montre que 72 % des jeunes ont participé à la vie citoyenne durant l’année passée. Que ce soit en signant une pétition, en participant à une manifestation, à une grève ou à une occupation de lieux, en participant à une concertation publique, en adhérant à un parti politique ou en s’engageant dans une association ou dans un service civique. Quatre-vingt-quatre pour cent des Français demandent à prendre une part plus importante dans le processus de prise de décision politique (« Les Français et l’état de la démocratie », IFOP).

S’emparer de sujets complexes

La bonne nouvelle, c’est que les solutions existent. Un nouveau modèle est possible : une démocratie plus ouverte, continue, de coconstruction, dans laquelle les citoyennes et les citoyens ne se cantonnent pas à un rôle d’électrice ou d’électeur mais contribuent directement et régulièrement à la définition de l’intérêt général, selon des procédures démocratiques de qualité.

Ce nouveau modèle est déjà expérimenté en France, localement, comme à travers certaines innovations démocratiques nationales. La convention citoyenne pour le climat, par exemple, a démontré que des personnes tirées au sort peuvent s’emparer de sujets complexes et construiredes réformes politiques d’envergure lorsqu’elles s’inscrivent dans un processus délibératif méthodique.

De Marseille à Paris, en passant par Poitiers, Mulhouse ou Carpentras, des démarches participatives produisent des effets indéniables sur la qualité de la décision publique et de l’engagement citoyen. Assemblées citoyennes, budgets participatifs, votations : ces dispositifs vont parfois jusqu’à la codécision, garantissant un impact direct du citoyen sur la politique. Même si délibération et participation citoyenne n’ont pas vocation à remplacer la démocratie représentative, toutes les deux sont devenues un complément indispensable pour en assurer la régénération.

L’impératif d’un renouveau démocratique connaît une résonance forte dans la société. En cette année électorale, il serait insensé et risqué pour les organisations politiques de négliger cette tendance de fond. Si les candidats et candidates à la présidentielle s’y disent en général favorables, cela se traduit peu dans leurs programmes et leurs discours, ou alors de manière bien trop floue. Les détenteurs traditionnels du pouvoir semblent faire de la résistance.

Débat national

Alors, que faire ? Avec une coalition d’ONG, de chercheuses et de chercheurs, de citoyennes et citoyens, nous avons regroupé les solutions démocratiques les plus urgentes et les plus matures au sein d’un pacte démocratique. Nous appelons tous les candidates et candidats à le signer, s’engageant ainsi à mettre en œuvre six mesures dans les cent premiers jours de leur mandat.

1. Former les jeunes aux pratiques démocratiques pour préparer des citoyens éclairés et engagés.

2. Lutter contre l’abstention et revoir notre manière de voter, notamment par la reconnaissance du vote blanc.

3. Empêcher une trop grande influence des lobbys pour faire primer l’intérêt général sur les intérêts privés.

4. Financer la démocratie par un soutien structurel aux innovations démocratiques et citoyennes et revoir la manière de financer les campagnes électorales et les partis politiques.

5. Garantir des médias indépendants et organisateurs d’un débat public de qualité.

6. Organiser une convention citoyenne pour la démocratie suivie d’un référendum. Cette assemblée tirée au sort aura pour mandat de repenser la règle du jeu politique et notamment la place des citoyennes et citoyens dans l’élaboration des politiques. Articulée à un grand débat national, impliquant la société civile organisée (associations, ONG, syndicats…) et les grandes organisations politiques du pays, cette convention citoyenne pourra débattre de tous les sujets institutionnels et démocratiques qu’elle jugera importants : référendum d’initiative citoyenne, équilibre des pouvoirs (présidentialisme, rôle du Parlement, proportionnelle, création d’une assemblée citoyenne), pouvoir des collectivités locales, modes de scrutin… Elle soumettra ses conclusions directement au peuple français par voie référendaire.

Nous invitons les citoyennes et citoyens, les associations, les ONG et les syndicats à se mobiliser avec nous pour faire monter le sujet démocratique en haut de l’agenda politique. Ensemble, faisons pression pour que tous les candidates et candidats signent le pacte démocratique.

La démocratie est la mère de toutes les batailles. En 2022, nous n’avons pas le choix : nous devons refonder notre système politique pour espérer réussir à relever tous les autres défis.

Premiers signataires : Dominique Bourg, philosophe ;Loïc Blondiaux, professeur de science politique ; Malek Délégué, éditorialiste sur C8 ; Pierrick De Ronne, président de Biocoop ; Cyril Dion, réalisateur ; Sarah Durieux, autrice ; Anne Hessel, Archipel de l’écologie et des solidarités ;Armel Le Coz, cofondateur de Démocratie ouverte  ; Priscillia Ludosky,militante ; Dominique Méda, sociologue ; Guillaume Meurice,humoriste ; Paloma Moritz, cofondatrice de Mieux voter Anne-Sophie Novel, vice-présidented’Informer n’est pas un délit ; Chloé Ridel, cofondatrice de Mieux voter ; Jérôme Saddier, président d’ESS France ;Yves Sintomer, professeur des universités ; Jérémie Suissa, délégué général de Notre affaire à tous ; Jacques Testart, président d’honneur de Sciences citoyennes ; Pauline Véron, coprésidente de Démocratie ouverte. Liste complète sur Lemonde.fr

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