Quand Lucie entre dans l’appartement, elle devine que quelque chose ne va pas. Monsieur Oliverac ne l’accueille pas de ce bonjour tonitruant qui manifeste habituellement son plaisir de l’accueillir. Elle le découvre allongé sur le sol de la cuisine, conscient, mais les yeux dans le vague.
Le SAMU diagnostique un AVC. Lucie avertit les enfants, à 500 km de là. Tous les deux décident immédiatement de faire le voyage et retrouvent leur père à l’hôpital.
Le diagnostic n’est pas rassurant : Monsieur Olivérac restera en partie handicapé. Un fauteuil sera peut-être nécessaire. A 65 ans, sa retraite active est lourdement compromise. Pourra-t-il rester chez lui ?
Par chance, son bailleur a mis en place un service d’accompagnement aux résidents en perte d’autonomie. Financé par une légère majoration de loyer – prise en charge, d’ailleurs, pour les résidents les plus démunis, par divers mécanismes d’aides – il permet de mutualiser une partie des coûts liés à la perte d’autonomie des résidents pour leur permettre de rester plus longtemps dans leur logement et pour soulager les aidants.
La première action à conduire est d’établir un diagnostic des assistances et aménagements nécessaires, dans l’urgence.
En réalité, Monsieur Olivérac ne souffre que d’un léger déficit de motricité et un fauteuil ne s’avère pas nécessaire. Néanmoins des séances de kiné à domicile seront indispensables sur une longue durée et sa liste de médicaments s’allonge grandement. En outre, il est stressé par son accident et l’éloignement des ses enfants n’aide pas.
Là encore, le bailleur a innové avec l’aide d’une mutuelle (de Livre 3) : il met à disposition de ses résidents un service qui comprend un « coach » pour évaluer les besoins, qui donne des listes de prestataires et fournit des services digitaux. Dans le cas de Monsieur Oliverac, le coach conseille un service qui permet la mise en pilulier des cachets et gélules – les pharmaciens de la commune ont joué le jeu – un service de prise de rendez-vous médicaux, une téléalarme en cas de chute et une application, très simple d’utilisation, pour échanger en visio avec ses enfants.
Le problème, c’est que Monsieur Oliverac est réfractaire – plus par principe plus que par réelle incapacité – à tous ces outils digitaux et qu’il met de la mauvaise volonté à se laisser guider à distance par ses enfants pour leur utilisation. Le stress augmente chez ces derniers et les relations se tendent.
Mais là encore, le bailleur a innové : avec l’aide de Mutlog, il est en phase d’expérimentation d’un concept de Résidence A.I.M.E.R. dont l’objet est de loger des étudiants en colocation – le marché immobilier est tendu pour eux dans la zone. Ces étudiants – infirmiers, médecins …- sont sollicités pour donner deux heures de leur temps par semaine pour aider les résidents en perte d’autonomie.
En fait, le terme « donner » n’est pas approprié, puisque – à la différence de beaucoup d’autres systèmes – la mutuelle refuse de se prêter au jeu du chantage – je te loge contre du bénévolat – et que les deux heures sont rémunérées, par le bailleur, avec un contrat de travail à la clé.
En bref, l’un des étudiants accepte de guider Monsieur Olivérac dans la mise en route et l’utilisation des outils digitaux. Après quelques semaines, celui-ci admet que ceux-ci sont très utiles et n’a plus besoin d’aide – sauf cas exceptionnels.
Et la vie reprend ses droits.
Par Christian Oyarbide.