Chronique par Rafaële Rivais, parue dans le Monde du 13 avril 2024

Les pouvoirs publics encouragent les particuliers à remplacer leurs chaudières à fuel ou leurs vieilles chaudières à gaz par des pompes à chaleur ou des inserts. Pourtant, depuis le 21 mars 2024, ceux qui s’y décident sont moins bien protégés par les assurances qu’auparavant. Cela résulte d’un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation, opéré à l’occasion de l’affaire suivante.

En novembre 2012, une société installe un insert dans la cheminée de M. et Mme X. Le 13 février 2013, un incendie ravage la maison. Les X sont indemnisés partiellement (142 610 euros) par leur assureur multirisque habitation, SwissLife. Ils réclament un complément (79 000 euros) à l’installateur, qui avait souscrit une assurance décennale (laquelle n’est pas plafonnée), auprès d’Axa. La compagnie Axa refuse de la faire jouer. Elle soutient qu’un insert posé dans une cheminée n’est qu’un « élément d’équipement sur l’existant », et non un « ouvrage », seul susceptible d’en bénéficier, aux termes de la loi Spinetta du 4 janvier 1978. Elle conteste la jurisprudence par laquelle la Cour de cassation a, le 15 juin 2017, étendu le bénéfice de la garantie décennale aux éléments d’équipement sur l’existant.

La Cour a en effet jugé, à propos d’une pompe à chaleur tombée en passe, que « les désordres affectant les éléments d’équipement (…), dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale quand ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ». Elle a confirmé cette position à propos d’un insert ayant provoqué un incendie.

Les X saisissent la justice. Axa perd en première instance et, en appel, mais, devant la Cour, sollicite un retour en arrière ou, plus exactement, un revirement sur revirement. Le parquet général lance alors une consultation (procédure rare) « sur les incidences de la jurisprudence de la Cour sur les “quasi-ouvrages” », auprès des professionnels concernés. Les artisans répondent que, depuis juin 2017, en dépit des sanctions pénales qu’ils encourent, ils ne souscrivent pas plus d’assurances décennales qu’avant, car ça leur coûterait trop cher.

Plutôt que de le déplorer, la Cour renonce à sa jurisprudence, en expliquant qu’elle « ne s’est pas traduite par une protection accrue des maîtres de l’ouvrage. » Elle casse l’arrêt d’appel et juge que désormais les éléments d’équipement sur l’existant relèveraient de la responsabilité contractuelle de droit commun des installateurs. Or, celle-ci n’est pas soumise à une obligation d’assurance : les X qui doivent revenir devant la justice, ignorent si leur installateur avait souscrit une assurance responsabilité civile et si oui quel était son plafond. De plus, l’assurance responsabilité civile ne couvre que les dégâts, pas les dysfonctionnements. Si la pompe à chaleur tombe en panne au bout de cinq ans, le maître d’ouvrage ne pourra pas obliger l’installateur à revenir : désormais les maîtres d’ouvrage qui rénovent, sont moins bien protégés que ceux qui construisent. Pour un même dommage.

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