Article paru dans Les Echos le 30 mars 2025

Les constantes vitales mesurées à l’aide d’un smartphone

A portée de main, ces solutions pourraient faciliter l’accès aux soins.

Trente secondes et une caméra. Voilà ce qu’il faut pour mesurer la fréquence respiratoire d’un être humain ou encore son rythme cardiaque. Ce qui présente le double avantage de rendre le patient autonome et d’assurer une surveillance personnalisée par le médecin. C’est ce que proposent plusieurs start-up, dont la française Quantic, qui vient d’obtenir la certification CE pour sa technologie baptisée « Cobox ». L’algorithme analyse les images issues d’une caméra – sur un téléphone, une tablette, une webcam – et « détermine le taux d’absorption de la lumière par le sang circulant sous la peau du visage », explique le cofondateur Alain Habra. Depuis la création de l’entreprise en 2020, elle a levé près de 5,4 millions d’euros en dette et en equity.

Un algo, une appli

Après cinq ans de développement, cette certification acte le début d’une nouvelle étape : celle la commercialisation sur les 27 marchés de l’Union européenne. Présenté au Salon MedinTechs les 10 et 11 mars 2025, Cobox a développé un connecteur qui s’intègre à tout logiciel existant (téléconsultation, surveillance du patient au domicile…) et une application grand public. Baptisée « ZenBox », l’appli prodigue surtout des conseils de coaching et des bilans respiratoires mensuels. L’objectif est de la vendre aux assureurs, mutuelles ou encore comités d’entreprise. Une stratégie d’acquisition plus rapide et moins chère qu’en BtoC.

Sur ce créneau, ils ne sont pas les seuls. En France, leur concurrent direct, i-Virtual,a aussi développé sa propre technologie de mesure des constantes vitales, baptisée « Caducy » et certifiée CE depuis 2023. Là aussi, même principe, un selfie vidéo de 30 secondes contre un bilan avec six paramètres vitaux. Sa technologie, qui a nécessité sept ans de R&D, repose notamment sur l’intelligence artificielle et la vision par ordinateur.

Rejetant l’image de gadgets, toutes deux revendiquent un accès facilité aux soins (notamment en télémédecine), voire un meilleur traitement des maladies chroniques. A titre d’exemple, Quantiq a mesuré un gain de temps de 21 % dans le tri des patients qui arrivent aux urgences dans ses hôpitaux partenaires (CHU de Bordeaux, celui de Metz-Thionville, Médipôle Lyon-Villeurbanne et l’hôpital Saint-Joseph à Paris). Pour asseoir cet aspect, les deux solutions ont été approuvées par des études cliniques. Mais ces outils ne sont pas l’apanage de la France. On trouve le canadien NuraLogix, l’israélien Binah, le belge FibriCheck ou encore le taïwanais FaceHeart. Le marché mondial de la surveillance des signes vitaux est en pleine expansion. Selon une récente étude de Mordor Intelligence, sa taille est estimée à 13,39 milliards de dollars en 2024 et devrait atteindre 27,81 milliards de dollars d’ici à 2029.

Une des limites de ces dispositifs peut être celle de « la prévision, parfois variable », souligne Samantha Jérusalmy, associée dans le fonds Elaia, investisseur d’i-Virtual. D’où l’importance de la validation scientifique. « Le prochain challenge sera la mesure de la tension artérielle sans contact », projette pour sa part Benoît Georis, patron d’i-Virtual. Un autre enjeu pour les Français reste l’internationalisation. La solution d’i-Virtual (dont le champ applicatif va des études pharmaceutiques aux tests d’assureurs) est aujourd’hui disponible dans sept pays (Espagne, Portugal, Italie, Suisse, Autriche, Inde et Turquie) mais a mis en pause la procédure de certification FDA (Etats-Unis). De son côté, Quantiq vise une certification FDA pour s’exporter sur le marché américain et veut développer un grand modèle de langage basé sur des « millions de battements » de coeurs.

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