Article paru dans Le Monde, le 19 mars 2025
C’est un véritable cri d’alarme que lancent les deux députés Frédérique Meunier (Droite républicaine, Corrèze, élue depuis 2017) et Christophe Proença (élu Socialistes et apparentés du Lot depuis 2024), issus du monde du sport, qui ont mené une mission flash sur l’activité physique et sportive et la prévention de l’obésité en milieu scolaire, de la maternelle au lycée.
Changer d’urgence le regard de l’éducation nationale sur le sport à l’école, telle est l’une des conclusions de cette mission, qui devait être présentée mercredi 19 mars devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Ses propositions seront ensuite envoyées aux ministères de la santé, des sports et de l’éducation nationale.
Rappelons qu’en France, 17 % des 6-17 ans sont en surpoids, dont 4 % en situation d’obésité, selon l’étude Esteban de Santé publique France de 2014-2016. L’obésité touche trois fois plus les enfants d’ouvriers que ceux des cadres, et le surpoids deux fois plus. « La tendance de moyen et long termes est à la hausse, en France comme dans le monde », relève un rapport du Sénat de 2022. Sans action politique vigoureuse, un tiers des enfants et adolescents (746 millions) devraient vivre avec un surpoids ou une obésité d’ici à 2050, selon des projections publiées le 4 mars dans The Lancet.
Le constat est aussi inquiétant en termes de niveau d’activité physique : les enfants bougent de moins en moins. Selon l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité, 37 % des enfants de 6 à 10 ans et 73 % des jeunes de 11 à 17 ans n’atteignent pas les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé en matière d’activité physique : au moins soixante minutes par jour d’activité modérée à intense à cet âge. Une étude récente a montré une baisse importante (18,4 %) d’un test (course navette de 20 mètres), qui reflète les capacités cardio-respiratoires des enfants, en France entre 1999 et 2023. Cette baisse semble toutefois s’atténuer depuis 2010. A cela s’ajoute « la sédentarité qui progresse, en raison notamment de la consommation d’écrans qui ne cesse d’augmenter, particulièrement chez les plus jeunes, fabriquant des enfants d’intérieur », avertit Frédérique Meunier.
« Variable d’ajustement »
Dans ce contexte de risque majeur, les deux rapporteurs de la mission flash formulent une dizaine de propositions pour que l’école s’empare de l’activité physique comme levier de la santé.
Premier constat : les cours d’éducation physique et sportive (EPS) à l’école ne sont pas suffisants. Ils sont actuellement de trois heures par semaine à l’école élémentaire et au collège (quatre heures en 6e). Les deux députés proposent d’augmenter à quatre heures par semaine le temps d’EPS sur les quatre années du collège. Et de s’y tenir… « Le problème est qu’actuellement, ces cours ne sont pas toujours dispensés, déplore Christophe Proença. L’EPS est souvent la variable d’ajustement face à la pression de l’institution pour être bien classé en maths et en français. C’est dramatique. » Par ailleurs, « l’exemption de cours d’EPS doit être l’exception, y compris pour les jeunes avec un handicap, les contre-indications étant en réalité très rares », insiste Frédérique Meunier.
Savoir nager et savoir rouler à vélo devraient être considérés comme des activités prioritaires pour les 6-12 ans, selon les députés, et « réellement mis en œuvre, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui ». Il est aussi proposé de renforcer la formation initiale des professeurs des écoles en EPS : passer à quatre-vingts heures au lieu d’une cinquantaine d’heures actuellement sur deux ans.
De même, il importe de rendre le sport plus accessible en dehors des heures de classe, notamment le week-end, avec des associations comme l’Union nationale du sport scolaire, ce qui passe par le recrutement d’un conseiller pédagogique en EPS dans chaque circonscription académique. Les deux députés suggèrent aussi de rendre le Pass’Sport (aide de 50 euros à chaque enfant) sécable.
S’ils saluent le dispositif « 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école », ils regrettent qu’il ne soit appliqué que par 42 % des écoles, selon un rapport sénatorial de septembre 2024, parfois faute d’espaces adéquats. Il importe de rendre les cours d’école plus propices au mouvement. Ils préconisent aussi d’augmenter le développement d’équipements sportifs : piscines, gymnases, salles de gym…
Faute de données, les rapporteurs proposent la généralisation de tests physiques annuels au collège, déjà expérimentés dans cinq académies. Cela permettrait d’établir un bilan de forme des élèves et leur progression. Ils préconisent également une visite médicale obligatoire en CE2, un âge-clé avant la puberté, « qui permettrait d’avoir un suivi en collectant les données de façon anonyme », précise Christophe Proença. « Agir en amont permettrait d’intervenir. Un enfant sportif est un enfant et un adulte en meilleure santé », rappellent-ils.
Notre pays, comme beaucoup d’autres, est confronté à une épidémie dont on parle trop peu, l’obésité. L’obésité touche prioritairement les milieux défavorisés, ceci explique cela. Et pourtant, il s’agit d’une « maladie » que l’on peut prévenir. Le sport, l’activité physique, à l’école, tout au long de la vie scolaire, font partie de l’arsenal de prévention qu’il faut développer partout. Et dans ce domaine, il ne suffit pas d’en parler, il faut agir, déjà par la loi.
Et peut-être qu’en plus, la France deviendra une nation sportive, et pas seulement le temps d’une période olympique.
Cela ne suffira pas, la lutte contre l’obésité mérite de devenir une grande cause nationale de santé publique.