Article de Laurent Marcaillou, paru dans Les Echos, le 2 décembre 2024.

Les outils numériques sont décriés pour la propagation de fake news sur les réseaux sociaux. Mais ils pourraient être utiles à la démocratie participative en améliorant le fonctionnement des forums citoyens.

C’est l’objet du projet de recherche « Advancing digital democratic innovation » ADDI) qui vient d’obtenir une bourse de 9,9 millions d’euros dans le cadre du programme Synergy du Conseil européen de la recherche. Ce sera le premier projet à étudier les formes de participations civiques augmentées numériquement pour la formation et l’agrégation des préférences exprimées.

A partir de mai 2025, quatre chercheurs en plateformes numériques participatives, en démocratie délibérative et en choix sociaux computationnels mèneront ce projet sur six ans. C’est Umberto Grandi, enseignant-chercheur en informatique à l’université Toulouse Capitole et à l’Institut de recherche en informatique de Toulouse, spécialiste des algorithmes de décision collective, qui le coordonne.

Il fait équipe avec César Hidalgo, enseignant-chercheur à Toulouse School of Economics et expert en intelligence artificielle appliquée à la visualisation des données, Maija Setälä, professeur de sciences politiques à l’université de Turku en Finlande, et Ulle Endriss, professeur d’IA à l’université d’Amsterdam (Pays Bas).

La légitimité des algorithmes

Ce projet mobilisera une vingtaine de chercheurs et de programmeurs dans les trois pays. « Nous recherchons des doctorants, des post-docs et des ingénieurs de recherche pour construire un laboratoire pluridisciplinaire, annonce César Hidalgo. Notre objectif est de faire de Toulouse un centre mondial de recherche sur la démocratie numérique« .

Les chercheurs étudieront comment l’informatique peut favoriser les délibérations de la démocratie participative. Umberto Grandi veut réunir cinq à dix assemblées de 10 à 100 citoyens et d’autres en ligne pour tester des algorithmes.

Un forum de commentaires anonymes sera aussi étudié pour savoir si l’anonymat améliore ou polarise la discussion. « Nous mesurerons les effets de ces algorithmes sur la qualité du débat et nous testerons leur légitimité, explique Umberto Grandi. Est-ce que les citoyens trouvent des processus démocratiques avec nos outils ? »

Les algorithmes à base d’IA aideront à trouver un consensus en montrant les points d’accord entre les citoyens, si les participants acceptent leur légitimité. Les chercheurs utiliseront surtout des algorithmes d’IA de représentation de connaissances et de planification, davantage que le machine learning qui est peu explicable. Ils mesureront si ces plateformes font avancer le débat plus rapidement en faisant comprendre les raisons. « On voudrait aussi expérimenter un algorithme qui écoutera une assemblée et proposera un texte à la fin. Est-on prêt à ça ? se demande Umberto Grandi.

Le numérique permet de faire débattre des assemblées plus nombreuses et d’inciter les personnes à y participer en y passant moins de temps, sans se déplacer. Un logiciel cartographiera l’opinion et les chercheurs apporteront des résultats expérimentaux au bout de trois ans. A la fin du projet, ils rédigeront un guide d’utilisateur de la démocratie numérique et fourniront des logiciels de forums délibératifs validés scientifiquement et accessible en open source.

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