Article de François Limoge, paru dans l’Argus de l’Assurance le 21 décembre 2023
Les organismes complémentaires maladies – mutuelles, compagnies et institutions de prévoyance – ont enregistré en 2022 leur plus faible résultat technique depuis 2011.
Pourquoi les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam) augmentent-ils si fortement leurs tarifs pour 2024 ? Aurélien Rousseau, avant qu’il ne démissionne de ses fonctions de ministère de la Santé, n’a cessé d’interpeller les Ocam sur ce sujet. Eric Chenut, président de la Mutualité française, a apporté des explications sur les raisons conjoncturelles et structurelles de cette hausse. Le propre service statistique du ministère de la Santé vient compléter la réponse des professionnels.
Le rapport annuel à destination du parlement sur la situation financière des organismes complémentaires santé, publié par la Drees, confirme la faiblesse des marges réalisées sur l’activité santé. « En 2022 comme en 2021, le résultat technique en santé des organismes complémentaires a été globalement quasi-nul. […] Il s’établit à 0,1 % des cotisations collectées hors taxe en 2022. Il s’agit du résultat technique le plus faible depuis 2011 (première année de la période étudiée dans le rapport annuel sur la situation financière des organismes complémentaires) », révèle le communiqué de la Dress.
Les contrats santé d’entreprise et de branche structurellement déficitaires
Dans le détail, le résultat technique des institutions de prévoyance demeure négatif, (-2,7 % des cotisations collectées), celui des mutuelles est quasi nul (0,1 %), tandis celui des entreprises d’assurance reste positif (1,5 %).
Le rapport de la Drees rappelle que « depuis 2011, les contrats collectifs sont globalement déficitaires […] En moyenne, leur résultat technique s’est élevé à -3,9 % des cotisations en 2022, niveau similaire à celui de 2021 (-3,8 %). À l’inverse, les contrats individuels continuent à dégager en moyenne des excédents. En 2022, le résultat technique de ces contrats s’est élevé à 4,1 %, niveau également similaire à celui de l’année 2021 (4,0 %) ».
La part des contrats collectifs et individuels santé à égalité
En 2022, les Ocam ont collecté, précise le rapport de la Drees, « 40,5 Md€ de cotisations en santé, soit une augmentation de 2,9 % par rapport à 2021. Les cotisations perçues par les organismes complémentaires avaient progressé de 3,1 % en 2021. Les masses de cotisations en individuel et en collectif sont une nouvelle fois équivalentes : les contrats collectifs ont représenté 50 % des cotisations collectées en santé en 2022 comme en 2021 ».
Forte hausse des dépenses d’optique
Dans le même temps, les organismes complémentaires ont versé 32,8 Md€ de prestations en 2022, après 31,6 Md€ en 2021 soit une augmentation de 3,8 %, « un rythme proche de celui de l’ensemble de la consommation de soins et de biens médicaux […] ». Le rapport relève à ce titre : « En 2022, la hausse des prestations versées par les organismes complémentaires a concerné tous les grands postes de soins mais plus particulièrement les dépenses d’optique en hausse de 5,3 %.
Les institutions de prévoyance, championnes de la redistribution
Le rapport annuel de la Dress s’intéresse également à la redistribution : « La part des cotisations reversée sous forme de prestations s’est établie à 81 % en 2022, après 80 % en 2021. Ce ratio demeure plus élevé pour les institutions de prévoyance (89 %), par rapport aux mutuelles (80 %) et aux entreprises d’assurance (78 %), en raison notamment, mais pas exclusivement, des différences de structure entre contrats individuels et collectifs. »
Même s’il apparaît que les marges bénéficiaires réalisées par les complémentaires sont les plus faibles jamais constatées, pour la population, l’augmentation des cotisations reste trop élevée (8,1% pour 2024).
Et le paradoxe selon lequel ce sont les contrats individuels (les moins subventionnés) qui financent la solidarité ne pourra pas tenir éternellement.