Tribune de Pascal Lamy (membre du Collective MindS Climate x Health Council de Foundation S et ancien directeur général de l’OMC) et de Vanina Laurent-Ledru est directrice générale de Foundation S. parue le 14 novembre 2024 dans Les Echos
Vagues de chaleur, inondations monstres, sécheresses à répétition et autres phénomènes extrêmes façonnent désormais notre quotidien. En juin dernier, 1.300 personnes ont perdu la vie sous l’effet de la chaleur accablante lors du pèlerinage à La Mecque. En Afrique australe, des millions d’individus souffrent d’une crise alimentaire provoquée par des sécheresses récurrentes.
En Europe, la situation n’est guère plus rassurante. Les pics de pollution en ville affectent les plus fragiles, des maladies autrefois rares, voire oubliées, refont surface et dans la région de Valence, après le drame, les risques de contamination sont particulièrement inquiétants. Le constat est implacable : le changement climatique impacte la santé de tous, et cela partout dans le monde.
Face à cette urgence sanitaire, il faut saluer et encourager tous les signes d’une prise de conscience mondiale. Ainsi, après la création d’une journée consacrée à la santé lors de la précédente édition, le programme de la COP29 témoigne-t-il d’une vraie montée en puissance de cette thématique. Le 18 novembre, à Bakou, on parlera de l’intégration de la santé dans le programme mondial de lutte contre le changement climatique avec un nombre important d’événements de haut niveau, un pavillon dédié, un rapport spécial et l’annonce de 14 initiatives, dont beaucoup seront liées à la santé humaine.
Un enjeu de santé publique majeur
On ne peut que se féliciter de la reconnaissance croissante de la santé dans les discussions sur le climat car nous ne pouvons plus ignorer que notre santé est indissociable de celle de la planète. En France, la conscience de cet enjeu s’est accrue. Selon une étude récente, 83 % des Français sont préoccupés par l’impact du changement climatique sur leur santé, et 37 % affirment que leur propre santé en a déjà été affectée.
Chez les jeunes générations, l’inquiétude est encore plus marquée : 96 % des 18-24 ans se disent inquiets pour leur avenir sanitaire face à cette crise climatique. Ils comprennent que le monde de demain appartiendra à ceux qui sauront répondre aux défis environnementaux tout en tenant compte des répercussions directes sur la qualité de vie.
Nous ne pouvons plus ignorer que notre santé est indissociable
de celle de la planète.
Désormais, il est clair que les bouleversements climatiques ne sont plus seulement des questions environnementales, mais un enjeu de santé publique majeur qui ne peut que s’aggraver alors que le monde peine à limiter le réchauffement et à ne pas dépasser les 1,5 °C de l’accord de Paris.
Sous-investissement
Mais alors que 91 % des citoyens, à l’échelle mondiale, s’alarment des effets du climat sur la santé, moins de 5 % des financements dédiés à l’adaptation climatique sont consacrés à des mesures sanitaires. Ce sous-investissement est d’autant plus incompréhensible qu’il est établi qu’un euro investi dans des actions de santé face au climat peut générer jusqu’à quatre euros de bénéfices économiques. En omettant de s’attaquer à ce problème, nous compromettons non seulement notre capacité à protéger la santé de nos populations, mais aussi celle des systèmes de santé eux-mêmes, déjà sous pression. Il est donc impératif de mieux financer cette réponse.
5 % à l’échelle mondiale,
Moins de 5 % des financements dédiés à l’adaptation climatique
sont consacrés à des mesures sanitaires.
Les Etats et les capitaux privés doivent non seulement augmenter leurs investissements, mais aussi trouver des moyens innovants pour mettre à disposition des populations vulnérables des financements rapides et suffisants à leur adaptation. Et après la COP29, il faudra continuer à renforcer la coopération internationale pour promouvoir davantage les engagements en faveur de systèmes de santé durables et résilients au changement climatique. Avec une intégration continue des processus de gouvernance multilatéraux, la santé pourrait devenir une priorité dans les stratégies climatiques mondiales et nationales, et d’abord dans les pays les plus pauvres.
La France, parmi les champions de la santé mondiale, doit mener plus loin le débat sur des financements ambitieux qui intègrent la santé dans toutes les politiques climatiques. Ce soutien permettra non seulement de sauver des vies, mais aussi de renforcer la résilience des systèmes de santé face aux crises climatiques qui, hélas, continuent de se multiplier.
Deux remarques :
La première : si tout le monde peut partager le constat, comment faire adhérer toute la population à des pratiques qui protègent sa santé et le climat paraît plus flou ;
La seconde, c’est que face aux dérèglements climatiques, la stratégie qui semble la plus efficace à court terme, c’est moins la prévention que la préparation.
Et oui, il faut se préparer et s’adapter… ce qui n’exclut en rien de lutter contre le dérèglement climatique, mais qui permet à court terme de sauver des vies, des économies.