Article paru dans L’Argus de l’Assurance, le 2 décembre 2024
Le jugement a été rendu le 21 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Nancy. Parmi les dommages corporels, il reconnaît des pertes de gains professionnels futurs (PGPF) pour le blessé que Maaf Assurances ne prenait pas en compte dans son offre amiable de près de 40 000 euros.
Après seize ans dans son entreprise, la victime, qui exerçait en tant que chauffeur-livreur, a été licenciée pour inaptitude en 2017.
L’accident remonte à juillet 2016. Un chauffeur-livreur, à bord de sa camionnette, est percuté par la remorque d’un véhicule arrivant en face, dans l’agglomération de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Victime d’une fracture de la colonne vertébrale, les médecins estiment alors son taux d’atteinte à l’intégrité physique et psychique (AIPP) entre 3 et 8 %. Il reçoit une première offre de son assureur de 1600 euros, selon une source proche du dossier.
Echec de la négociation
Mais en 2018, un nouveau rapport d’expertise définitif fixe son taux d’AIPP à 6 %. L’indemnisation revient alors à l’assureur de l’auteur de l’accident, dans le cadre de la responsabilité civile automobile. En l’occurrence, il s’agit de Maaf Assurances, marque du groupe Covéa. « Un médecin a évalué un taux de séquelles de 6 % pour la victime, nécessitant un reclassement professionnel mais sans inaptitude totale », précise Covéa. Comme de coutume, Maaf tente de négocier. Huit dossiers en dommages corporels sur dix sont réglés à l’amiable. Après avoir versé 7500 euros, 30 000 euros supplémentaires sont proposés. La victime refuse. Après seize ans dans son entreprise, elle a été licenciée pour inaptitude, ne pouvant plus porter des charges de plus de cinq kilos, et n’est pas parvenue, malgré deux formations, à retrouver un emploi dans un autre secteur.
Le poids des pertes de gains professionnels futurs
En 2019, le quinquagénaire réclame, par l’intermédiaire de son avocat, 615 000 euros au titre de l’indemnisation des préjudices corporels qu’il estime avoir subis, répertoriés dans la nomenclature Dintilhac, en sus des provisions déjà versées, comme l’atteste le jugement auquel L’Argus de l’assurance a eu accès. Au titre des pertes de gains professionnels futurs
(PGPF), il demande ainsi plus de 400 000 euros et 180 000 au titre de l’incidence professionnelle. « Mon client avait perdu son emploi. Lorsque vous perdez vos revenus comme cela et que vous avez près de 50 ans, vous avez aussi un impact sur la retraite », expose Christian Olszowiak, l’avocat de la victime.
Pour Maaf Assurances, rien n’indique dans l’expertise médicale que la victime n’était plus en capacité de retrouver un emploi bien que différent de celui qu’elle exerçait à l’origine. « Selon la jurisprudence récente, la PGPF est accordée uniquement si la victime est totalement incapable de travailler. Si la victime peut encore travailler, même partiellement, elle ne peut pas recevoir cette indemnisation », défend le groupe Covéa. Sa proposition d’indemnisation ne comprenait donc pas ce préjudice. « J’ai démontré au tribunal que, passé 50 ans, même en effectuant des formations, ce n’est pas évident de retrouver un poste de travail qui permette de vivre, notamment avec les différents handicaps de mon client », se satisfait Christian Olszowiak. La reconnaissance des PGPF par le tribunal expliquent le différentiel entre la proposition d’indemnisation de Maaf Assurances et la somme qu’elle a été condamnée à verser.
Des taux d’intérêts qui explosent
S’ajoute aux plus de 570 000 euros de préjudices corporels évalués dans le jugement, des intérêts de pénalité dont le taux légal est doublé, comme le prévoit le code des assurances quand l’assureur dépasse les délais pour faire une offre ou qu’il propose une offre manifestement insuffisante. Or le taux d’intérêt légal, à 3 % en 2022 est aujourd’hui à près de 8 %. Pour Maaf, le coût de cette affaire grimpe ainsi à 844 000 euros. Et cette condamnation est définitive puisqu’elle n’a pas interjeté appel dans le délais imparti.
Dans « la société de marché », ce monde où tout est « marché », l’assurance joue un rôle particulier. Elle est la supercherie ultime. Elle repose sur des concepts de « mutualisation », elle fait appel au sentiment de sécurité, de rassurance, elle est de facto obligatoire, alors qu’il ne s’agit que d’un business marchand, destiné à enrichir (de façon spectaculaire) des actionnaires.
Et pour y parvenir, de payer le moins possible, d’user et d’abuser de toutes les techniques afin d’y parvenir.
« Bouter les marchands hors du temple! » consiste en priorité à combattre les pratiques assurancielles d’où qu’elles viennent.
Et la preuve, c’est qu’on peut y arriver !
A quand, un mouvement anti-assuranciel ?