Article de François LIMOGE, paru le 02 octobre 2024 dans L’Argus de l’Assurance
C2S, contrat responsable, courtage, médecines douces… France Assureurs est loin de partager toutes les recommandations de la mission du Sénat sur l’assurance santé. Sa présidente Florence Lustman explique pourquoi.
Le rapport adopté le 24 septembre dernier par la mission d’information du Sénat sur les complémentaires santé et leur impact sur le pouvoir d’achat suscite des réactions contrastées parmi les professionnels. Alors que la Mutualité française a déjà signifié son opposition à la C2S séniors, la présidente de France Assureurs, Florence Lustman, revient sur les principales recommandations présentées par le rapporteur de la mission, le sénateur RDPI Xavier Iacovelli.
La mission a compris le fonctionnement des Ocam
Florence Lustman : « Initialement cantonnée aux tarifs, la mission sénatoriale a étendu largement ses réflexions. Accès aux soins, parcours de prise en charge, financement et prévention… On retrouve dans son rapport les grandes préoccupations présentes dans notre Livre blanc sur l’assurance santé. Son constat sur l’inexorable croissance des dépenses de santé est implacable et il reconnaît clairement les spécificités des Ocam, à savoir un secteur aux faibles marges, dans l’obligation de répercuter toute hausse des charges sur les cotisations des assurés. Cette bonne compréhension de la tarification s’illustre par ses recommandations concernant l’inscription en annexe du PLFSS de l’impact de l’Ondam sur les prestations des Ocam – un très bon point – ou encore le respect d’un délai de six mois entre l’annonce de transferts de charges et leur entrée en vigueur.»
AMO-AMC, la bonne logique
FL : «La mission appelle à un renforcement de la coopération entre l’ensemble des acteurs de la santé, et c’est bien dans cette logique que nous nous inscrivons. Elle propose ainsi d’institutionnaliser le fameux Cdoc [comité de dialogue avec les organismes complémentaires : NDLR] afin de développer les échanges entre les Ocam et l’assurance maladie, par exemple en matière de lutte contre la fraude et de prévention, deux champs pour lesquels nous appelons depuis des années à des transmissions d’informations plus fluides ! »
Seniors, réformer le contrat responsable, pas la C2S
FL : « L’assurance santé des seniors constitue un vrai enjeu, qui est en fait celui du contrat responsable. Ce contrat au cadre fiscal censé être avantageux – taxé toutefois à 14%, c’est-à-dire le taux le plus élevé d’Europe – est devenu au fil du temps un millefeuille de garanties qui répondent à des objectifs très différents et de fait entrainent un tarif plus élevé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle fleurissent des offres hors contrat responsable, notamment pour les seniors, toutefois taxées à 20%. Il est nécessaire de rendre le contrat responsable accessible au plus grand nombre, c’est le sens du communiqué que France Assureurs, le Ctip et la Mutualité française viennent de publier.»
Un taux à 5,5% pour le socle de garanties
FL : « Nous partageons la recommandation de la mission sur la création d’un socle de garanties, mais pas sa volonté d’une taxation minorée de 14% uniquement pour le socle et de 20% pour les autres garanties. Cela ne répond pas aux besoins des Français. Ce socle doit bénéficier d’un taux à 5,5%, en référence à la TVA sur les biens de première nécessité, alors que les garanties complémentaires pourraient être taxées au taux minoré de 14%. Par ailleurs, cela n’a pas de sens d’exclure les médecines douces. Quelle serait la cohérence d’écarter du contrat responsable la prise en charge des psychologues – pour lesquels nous avons été précurseurs dès le Covid – en cette période de nécessaire investissement dans la santé mentale ? »
Les frais de gestion financent des charges réelles
FL : « L’assurance santé s’exerce dans un contexte extrêmement concurrentiel, les frais de gestion financent de véritables charges et notamment des évolutions incessantes de règlementation qui nécessitent d’importantes évolutions des systèmes d’information. Les assureurs santé sont par ailleurs, comme toute la profession, soumis à d’importantes contraintes en matière de conformité (Solvabilité 2, LCBFT…) qui ont également un coût. Attention à ne pas fragiliser le conseil et la personnalisation des garanties apportés aux assurés par des décisions à l’emporte-pièce.»
Non à la convention type de courtage
FL : « Les relations entre assureurs et intermédiaires sont soumises au droit de la concurrence. Ne refaisons pas les mêmes erreurs que celles commises dans le passé, consistant à prendre une mesure générale pour traiter des cas particuliers. S’il s’avère que certaines pratiques ne sont pas conformes, c’est à l’ACPR de contrôler et intervenir ponctuellement.»
Garanties en euros, une recommandation inflationniste
FL : « C’est une fausse bonne idée. L’obligation de libeller toutes les garanties en euros, plutôt que de se référer à la prise en charge de la Sécurité sociale, aurait un effet inflationniste, car elle inciterait les professionnels de santé à caler leurs tarifs sur les plafonds de remboursement. Les Ocam ont déjà énormément progressé sur la transparence de leurs garanties, et s’il fallait réaliser une simplification, ce serait plutôt celle de la nomenclature des soins de l’Assurance Maladie.»
France Assureurs, porte parole de la Mutualité ?
France Assureurs et, à sa tête, Florence Lustman sont devenus les défenseurs des populations défavorisées en demandant une taxation à 5,5% d’un socle de garanties en complémentaire santé.
L’atonie des fédérations mutualistes laisse un boulevard aux assureurs pour poursuivre leur entreprise de dédiabolisation.
Et pendant ce temps là, rien ne leur interdit de résilier les contrats des populations qui consomment trop ou de les augmenter dans des proportions insupportables !