« Les fondamentaux de notre métier ne sont absolument pas compris » Florence LUSTMAN.
En effet, Florence Lustman a raison. Une assurance n’est ni une organisation solidaire, ni une organisation humanitaire. Elle est là pour rendre un service, « d’actuarisation » du risque, dans le cadre d’un contrat. Point ! Et cela n’a rien à voir avec la mutualisation.
L’un est destiné à calculer sur la base d’une évaluation du risque de chacun, le prix, (voire le juste prix) de la garantie de ce risque ; l’autre se fixe pour ambition, en contre partie d’une cotisation, d’apporter au plus grand nombre la meilleure couverture économiquement supportable pour le plus grand nombre.
Cela n’a rien à voir, d’un côté, nous sommes dans une problématique principalement consumériste, « j’en veux pour mon argent » ; de l’autre, nous sommes dans une problématique solidariste « à chacun selon ses besoins », autant que faire se peut.
Depuis des années et des années, les assureurs ont créé volontairement la confusion entre mutualisation et actuarisation. Sous l’impulsion de Claude Bébéar, François Ewald, Denis Kessler, et d’autres, ils ont mené une bataille d’idées afin de rendre légitime leur conception de l’assurance et d’une assurancialisation de la société : « éthique, solidaire, « mutualiste » , proche des gens, … », empruntant à la tradition solidaire tout à fait originale de la France ses mots, ses concepts, l’apparence de ses valeurs. Au point que les mutualistes eux-mêmes les ont crus, copiés, singés : « assureurs solidaires » , la belle affaire !
Il n’y a pas d’assureur solidaire. Il y a des compagnies financières qui gèrent habilement cette équation entre individualisation et solvabilisation du risque, quel qu’il soit. Et qui utilisent les fonds publics pour garantir leur rentabilité. C’est ce qui va se passer avec l’assurance pandémie.
Mutualistes, réveillez-vous ! C’est le moment. Depuis 20 ans, jamais le concept d’assurance n’a été autant en difficulté. Q’attendez vous pour clarifier la situation, pour revendiquer votre modèle ? Il n’y va pas simplement de vos petits intérêts d’entrepreneur, il va d’une autre façon de vivre en société que la crise que nous traversons exige que nous construisions, vite !
Par Jean SAMMUT
Président de la Mutuelle Les Solidaires
Tout en étant d’accord avec l’honorable auteur de ce post, il me semble que nous, mutualiste devons retravailler l’expression et la mise en pratique de nos « valeurs » et de « nos raisons d’être ».
Je mets tous ces mots entre guillemets parce que nous les avons tellement ressassés que même pour nous ils ont perdu leur sens et ne font plus « engagement ».
Prenons, « proximité » par exemple. Je relisais hier, pour la mutuelle que je préside, un compte-rendu d’audit du processus de souscription, processus sensible pour nous qui faisons de la prévoyance des emprunteurs avec sélection médicale, éventuellement se concluant pas des refus de prise en charge ou des surtarifications. Les auditeurs ont chaussé leur lunettes S2 et ACPR et ont regardé nos processus sous l’angle des risques et du respect des règlementations. C’est leur job, mais est-ce que dans une mutuelle nous pouvons nous contenter de cela ? Si nous regardons le processus avec des lunettes « proximité », nous devons évaluer si notre processus est à l’écoute des difficultés, des spécificités des populations à risque que nous soumettons à la sélection médicale.
Sommes-nous à l’écoute ? Sommes-nous accompagnants pour les formalités ? Savons nous communiquer nos décisions avec les bons mots (rien que l’expression « bons mots » mérite un travail « politique ») ?
On voit ainsi que cette posture change tout ; pas dans les déclarations, pas dans les principes, mais dans cette dimension d’humanité solidaire qui doit ou devrait être notre guide.
Quand donc les différentes fédérations mutualistes travailleront elles ces questions ? Quand donc mettront-elles en place des forums, des réseaux sociaux d’échanges sur le partage de nos pratiques mutualistes au regard de nos « valeurs » et pas de la réglementation, des actionnaires, ou des référentiels de vertu extérieurs à notre histoire et à nos engagement. J’aurais pu faire le même raisonnement pour « démocratie », « solidarité » … Et il aurait été encore plus démonstratif.