Article de Amélie Laurin paru dans Les Echos le 20 sept. 2024
La licorne française de l’assurance santé Alan lève 173 millions d’euros à l’occasion de l’ouverture de son capital à Belfius. Une opération qui la valorise 4 milliards d’euros. Elle devient le partenaire privilégié de la banque belge en assurance santé collective.
L’heure de l’institutionnalisation a sonné pour la licorne française Alan. Jusque-là accompagné par des fonds de capital-risque, l’assureur santé en ligne ouvre son capital à Belfius, troisième banque belge en termes de bénéfices. L’établissement public, né des ruines de Dexia, ancien leader mondial du financement des collectivités locales, mène ce tour de table de 173 millions d’euros. La banque a réservé l’annonce à 700 clients professionnels, invités jeudi soir à un évènement orchestré avec Alan et Mistral AI, la pépite française de l’intelligence artificielle, dont les fondateurs d’Alan sont des actionnaires de la première heure.
La nouvelle levée de fonds valorise Alan, spécialiste de la couverture santé des salariés du privé, à hauteur de 4 milliards d’euros, contre 2,7 milliards lors de la précédente recomposition du capital, en 2022. Les investisseurs antérieurs d’Alan réinvestissent, en particulier OTPP – le fonds de pensions des professeurs de l’Ontario (via son fonds Teachers’Venture Growth) _, Temasek, Coatue et Lakestar.
Après avoir remporté ces derniers mois les appels d’offres des futurs contrats collectifs d’assurance santé des agents du ministère de la Transition écologique et de Matignon, à la barbe des mutuelles historiques de fonctionnaires, Alan espère gommer son image de start-up. Il veut dorénavant se présenter en assureur installé et reconnu, huit ans après son agrément par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Rentabilité en 2026
Jean-Charles Samuelian, cofondateur et directeur général d’Alan, assure que l’opération avec Belfius n’est pas dictée par un besoin immédiat d’argent frais, même si Alan a enregistré une perte de 30 millions d’euros au premier semestre. « Nous avions dit au marché que nous ne lèverions plus d’argent avant d’être devenus rentables », rappelle-t-il.
« Nous maintenons notre objectif d’être à l’équilibre en France l’an prochain et profitable en 2026 sans apport de nouveaux financements, ajoute le dirigeant. Mais Belfius souhaitait entrer à notre capital en contrepartie d’un partenariat stratégique qui va nous permettre d’accélérer de façon exponentielle en Belgique. »
Avec l’apport de 45 millions d’euros de primes annuelles d’assurance santé de Belfius, Alan va dans un premier temps doubler de taille en Belgique, son deuxième marché. Le pays pèse environ 40 % des 450 millions d’euros de revenus annuels récurrents attendus en 2024.
L’assureur français et Belfius veulent se frotter aux leaders locaux Ethias, AXA et Ageas, dont BNP Paribas, première banque de Belgique avec sa filiale Fortis, est devenu le premier actionnaire cet été (avec 9,8 % du capital). « Dans quelques années, nous pensons pouvoir nous hisser aux premières places de l’assurance santé collective en Belgique, qui totalise environ 1 milliard d’euros de primes » indique Jean-Charles Samuelian.
Chez Belfius, « nous voulons être un bancassureur intégré mais nous ne pouvons pas tout faire, explique Marc Raisière, président du comité de direction. C’est pourquoi nous avons décidé de transférer à Alan notre portefeuille d’assurance santé collective, où nous n’avons pas la taille critique, à la condition de pouvoir de devenir actionnaire. »
La banque va cesser cette activité gérée par une petite équipe au sein de sa filiale d’assurance. Elle va désormais commercialiser les produits et les solutions d’Alan, en matière de prévention notamment, auprès de ses clients du secteur public, des PME et des grandes entreprises. Si les employeurs belges proposent souvent un contrat collectif à leurs salariés ou agents, ce type de dispositif n’est pas obligatoire pour les entreprises. La France impose en revanche un socle minimal de garanties ainsi qu’une participation financière à l’entreprise et, bientôt, à l’Etat employeur.
Les discussions entre les deux nouveaux partenaires ont commencé au printemps 2023, après une première rencontre entre le patron de Belfius et Jean-Charles Samuelian, résident bruxellois et client de la banque. Comme Alan, celle-ci revendique un ADN résolument tourné vers la tech. Son application mobile figurait l’an dernier à la quatrième place mondiale, derrière celle de sa compatriote KBC, dans le classement du cabinet Sia Partners.
Alan, la Saga continue !
Après avoir défrayé la chronique avec ses succès dans les appels d’offres de la fonction publique, Alan revient au devant de la scène avec un accord financier avec la banque belge BELFIUS, (ex DEXIA).
L’opération est en soi exceptionnelle, une levée de 173 millions pour devenir un des premiers assureurs santé belges, toutes proportions considérées, c’est significatif.
Ce qui est évidement renversant, c’est qu’en huit ans, Alan a levé 660 millions, qu’il ne lui reste “que” 180 millions au bilan 2023, que l’assureur perd encore 30 millions par semestre (alors qu’il est réassuré à plus de 50%), et que ça n’émeuve personne, bien au contraire. Aujourd’hui, ce sont des institutions financières qui viennent au capital de ce qui n’est plus une start-up et qui lui font confiance.
Ce qui ne cesse de m’interroger, c’est le décalage entre l’attitude de soutien des institutions financières, dans leur diversité, et le dénigrement dont Alan fait l’objet dans le milieu mutualiste : chacun attendant plus ou moins impatiemment que Alan se casse la figure… c’est râpé !
Si Alan réussit, c’est simple : c’est qu’il est plus performant, que ses outils répondent aux besoins actuels des assurés et des souscripteurs collectifs; c’est qu’il est plus audacieux : depuis des années, nous savons que la dérégulation des marchés de l’assurance santé touchera toute l’Europe, quels sont ceux qui s’intéressent réellement à l’assurance santé au-delà de nos frontières ? Je parie sur un développement dans les pays méditerranéens (Italie, Espagne, Portugal), à brève échéance.
Et lorsque les mutualistes ont le bonheur d’avoir développé des outils compétitifs, ils ne soutiennent pas.
Il faut investir dans la société Today, seule susceptible d’être compétitive face à Alan.