Article de Myriam Chauvot paru dans Les Echos le 2 janvier 2024
Avec 16 millions de touristes attendus, les risques de circulation virale et bactérienne sont majeurs, prévient l’association MéninGO !
Alerte à la méningite. En juillet 2024, les Jeux Olympiques de Paris vont donner au méningocoque une occasion en or de se propager, préviennent les professionnels de santé. Cette bactérie adore les rassemblements publics, puisqu’elle se transmet par les sécrétions rhinopharyngées lors des contacts étroits (moins d’un mètre), directs et prolongés (plus d’une heure).
« Près de 16 millions de touristes sont attendus à Paris pour les Jeux Olympiques et paralympiques de 2024. Cet afflux de visiteurs présente des risques majeurs en termes de circulation virale et bactérienne, y compris du méningocoque », prévient MéninGO !, une association de médecins et chercheurs contre les méningites.
En Occident, les méningites comptent cinq souches (A, B, C, W et Y). Le vaccin, actuellement recommandé en France par la Haute autorité de santé (HAS), ne protège pas contre les souches W et Y, qui sont en forte progression. Et les cas de méningites explosent. La maladie tue une fois sur dix et laisse des séquelles très lourdes.
Aucun vaccin contre la méningite ne couvrait contre les cinq souches jusqu’à l’autorisation, le 20 octobre aux Etats-Unis, du premier au monde : le Penbraya, de Pfizer. Mais depuis des années, Pfizer, Sanofi et GSK commercialisent déjà chacun un vaccin « tétravalent » couvrant quatre souches à la fois (A, C, W et Y). Certains pays européens ont adopté ce vaccin à protection large. Pas la France, où seuls sont recommandés, pour les nourrissons, un vaccin contre la souche C et un autre contre la B. Les souches W et Y ne sont toujours pas couvertes alors qu’elles montent.
En 2019, il était question que la HAS actualise sa recommandation. La crise Covid a tout arrêté. La HAS compte maintenant le faire pour mars-avril 2024, avec la révision annuelle de la stratégie vaccinale.
Protéger les adolescents
Pendant ce temps, la méningite gagne du terrain. « Si 298 cas ont été enregistrés entre janvier et septembre 2019, 421 cas ont déjà été répertoriés entre janvier et septembre 2023, soit une augmentation de 36 % », alertait mi-novembre le Centre national de référence des méningocoques, à l’Institut Pasteur. Cela va s’amplifier, le virus de la grippe créant un contexte favorable au développement des bactéries méningocoques.
Les nouveaux cas sont souvent des méningocoques W et Y et touchent surtout les 16-24 ans. Une tranche d’âge aimant le sport et les rassemblements publics. Il semble donc urgent que le vaccin à large protection A, C, Y et W soit recommandé auprès des adolescents. « Cela permettrait de les protéger directement mais aussi de protéger indirectement les autres catégories de la population », plaide Ala-Eddine Deghmane, à l’Institut Pasteur, en rappelant que « les adolescents sont les premiers porteurs sains du méningocoque ». Celui-ci peut rester tapi dans la gorge. Dans la population, on estime que 5 à 30 % des Français sont porteurs sains.
Que la HAS attende la mise à jour annuelle du calendrier vaccinal en mars-avril serait trop tardif pour les experts. « Pour être prêt pour les JO, il faut prendre une décision et l’appliquer immédiatement », estime Charles Wolf, directeur général vaccins de Sanofi France. Après l’avis de la HAS, pour qu’un vaccin soit prescrit au grand public, il faut encore en négocier le prix de remboursement et qu’il paraisse au « Journal officiel ». Impossible d’ici à juillet 2024 si la recommandation sort en mars.
Certes, les vaccins à protection large sont déjà commercialisés en France et utilisables, même s’ils ne sont pas remboursés. Mais « sans recommandation de la HAS, les médecins ne les prescrivent pas, poursuit Charles Wolf. Et cela créerait du bruit autour du sujet, qui inciterait à vacciner les enfants. » Selon une enquête Ipsos pour GSK, 36 % des parents français d’enfants de moins de 18 ans déclarent ne rien savoir sur les méningites à méningocoque.
L’alerte lancée par cette association de médecins et de chercheurs mérite d’être relayée largement.
Là encore, il ne s’agit pas de jouer les pisse-froid, les porteurs de mauvaises nouvelles.
Nous sortons d’une pandémie majeure et aucune leçon n’est tirée, ni chez les pouvoirs publics, ni dans le fonctionnement de ses outils techniques et, naturellement, ni dans la population.
L’idée que nous serions rentrés depuis belle lurette et non pas seulement depuis la période COVID, dans une ère des épidémies continue d’être ignorée, avec les risques que cela présente pour les populations et pour l’économie.
Nous ne parvenons toujours pas à distinguer ce qui serait de l’ordre d’une culture de la « préparation » de ce qui ressort de l’alarmisme.
Cela me fait penser aux injonctions du Directeur Général de la CNAMTS, dont les préoccupations préventives sont essentiellement centrées sur la maîtrise de la dépense… une culture, je vous dis !